Chap 10
Au début, Severus pensa que le garçon ne tarderait pas à le détester et à s’enfuir loin de lui. Et pour tout dire, cette pensée le terrifiait… Son Harry, si fragile et si brave, qu’il avait prit l’habitude de tenir dans ses bras, s’endormant le nez dans ses cheveux…
Mais alors que les semaines passaient, il dut se rendre à l’évidence : Harry n’avait aucune intention de s’en aller. Evidemment, tout était compliqué et difficile, pour l’un comme pour l’autre… Après tout, le garçon avait été soumis au plus abject des esclavage pendant trois ans, trois ans qui auraient du faire partie de son enfance et de son adolescence… Il savait qu’il ne serait plus jamais le même, mais avant qu’il puisse simplement être une personne à part entière, Severus allait devoir lui réapprendre à vivre.
Et cela transformait chaque geste du quotidien en casse tête potentiel.
Avant toute chose, il y avait les premières fois.
La première fois où Harry prit une douche seul. Quand il ressortit de la salle de bain, à peine séché, Severus put voir qu’il tremblait. Pas de froid, certainement… le maître des potions avait séché ses cheveux et lui avait sourit, heureux quand il vit les traits du garçon se détendre, soulagé. Il pouvait parfois le voir toucher son cou du bout des doigts, où l’emplacement des lanières du harnais, comme s’il cherchait quelque chose, comme s’il avait besoin de se rassurer…
Et Harry avait souvent besoin d’être rassuré. A n’importe quel moment, sans prévenir, il lui arrivait de tomber à genoux, ses bras enroulés autour de lui comme pour se protéger, son regard à nouveau vide et fou d’angoisse. Dans ces moments là, Severus s’agenouillait à ses côtés et le berçait dans ses bras, en lui murmurant ce qui était devenu la formule rituelle.
« Ferme les yeux et compte jusqu’à trois. Quand tu les rouvriras, tu sauras que tu es réveillé. Que c’est la réalité. »
Ce que Harry faisait, avant de finalement reprendre ses esprits, lentement, dans les bras du professeur. Il se mettait alors généralement à pleurer et ils restaient là, enlacés sur le sol, Snape lui murmurant des mots sans suite pour l’apaiser. Cela prenait des heures, parfois, pour que le garçon se relève ; mais ils avaient le temps. Severus était bien décidé à lui rendre les années qu’on lui avait volées, au centuple si on lui en laissait l’occasion. Albus, totalement compréhensif, lui avait accordé la fin de l’année scolaire pour s’occuper de Harry.
Et puis enfin la vie continua…
La première fois aussi où Harry dormit seul. Où il faillit dormir seul… le pensant suffisamment remis, Snape l’avait réinstallé dans la petite chambre, souhaitant lui rendre son intimité. Le garçon n’avait rien dit et s’était assis sur le lit en le regardant partir d’un air de chien battu.
Severus avait trouvé son lit particulièrement froid et vide ce soir là. Le sommeil le fuyait, et il entendit avant de la voir la porte de sa chambre s’entrouvrir au milieu de la nuit. Une petite silhouette s’approcha prudemment, avant de venir se glisser sous les couvertures, près de lui.
Sans un mot, il avait passé un bras autour du garçon qui était venu se pelotonner contre lui avec un soupir de soulagement. Severus aurait presque pu lui faire écho…
Et puis la première fois, si satisfaisante, où Harry avait mangé à table. Hésitant, tremblant un peu, il n’avait presque pas touché à son assiette. Severus avait senti son cœur se serrer en le voyant se battre avec les couverts, avant qu’il ne se rappelle de la bonne façon de les tenir.
Il ne pouvait s’empêcher de l’appeler ‘Maître’, parfois. Snape ne le grondait jamais, mais lui rappelait doucement qu’il ne voulait pas de ce titre. Parfois, le garçon semblait blessé, d’autres fois soulagé, ou confus. Il quêtait toujours ses regards approbateurs, mais Severus n’en était pas avare. Il aurait juste souhaité que Harry ne craigne pas tant de mal faire ou de le décevoir…
Et puis il y eut la première fois ou Harry prit une décision. Elle fit grimacer Severus, mais il la comprit. Le garçon ne voulait pas voir ses amis, pas encore. Pas avant de se sentir capable de tenir une conversation avec des phrases entières, sans baisser les yeux, sans tressaillir au moindre geste. Snape devait souvent obliger Harry à reprendre ses phrases, à s’exprimer correctement, et il savait que le garçon en était mortifié. Non pas que cela ait été de sa faute, bien sûr… chaque petite chose qui aurait dût être simple était tellement compliquée pour lui.
Il lui arrivait de refuser absolument de bouger et de rester immobile au milieu d’une pièce, ou sur le lit, n’importe où en réalité, et Snape savait qu’il attendait sa laisse. Les premières fois, Severus vint le chercher par la main ; mais arriva le jour où la ruse ne marcha pas et où Harry refusa obstinément de bouger.
Snape le cajola un instant, tentant de le convaincre de sa voix la plus calme, avant de finalement perdre patience et de lui crier de bouger avant qu’il ne lui jette un imperio. A son grand désespoir, ce fut la menace qui fonctionna.
Mais il y eut aussi toutes les petites joies. L’air émerveillé de Harry quand il posa les lunettes sur son nez et qu’il regarda autour de lui, sa vue enfin corrigée, comme un enfant devant le sapin le jour de noël. La première bierraubeurre, et la manière dont il avait fermé les yeux pour mieux la déguster. La façon dont il avait tourné religieusement les pages de son vieux livres sur le quidditch, déchiffrant les mots avec lenteur, hypnotisé par les images.
Son premier rire, enfin, quand Severus lui avait ramené Hedwige et qu’il l’avait prise dans ses bras, l’oiseau lui becquetant doucement le visage et hululant de plaisir. Ce ne fut qu’en entendant ce rire sincère et soulagé que Snape sut qu’Harry était libre dans sa tête. Assez pour rire, tout au moins.
Et pleurer.
Car si les journées étaient jonchées d’obstacles, les nuits, elles, étaient peuplées de cauchemars plus horribles les uns que les autres. N’étant plus réveillé par le collier quand il commençait à gémir dans son sommeil, Harry vivait ses cauchemars plus longtemps et en sortait en transe, s’asphyxiant de terreur. La petite phrase revenait toujours, « Ferme les yeux, compte jusqu’à trois. » Et à trois, Harry respirait. Severus avait longtemps hésité à agir, ne voulant pas violer un peu plus l’intimité du garçon, mais il s’était finalement trouvé incapable de rester sans rien faire.
« Laisse moi voir tes cauchemars » avait il murmuré une nuit. « Laisse moi t’en débarrasser. »
Harry avait hoché la tête, et un rapide legilimens plus tard, Severus pénétrait dans la plus noire des salles de torture, revivant nuit après nuit le martyre du garçon, et vivant avec lui son impuissance, son horreur, sa douleur et son humiliation… et pire que tout, la résignation.
Il revit ses premiers jours au Château, jeté au fond d’un cachot sans lumière, blessé et sous le choc de la mort de Cédric ; puis les visites de Lucius, lui refusant toute nourriture tant qu’il refuserait de se soumettre. Le violant pour la première fois, à même la terre du cachot, sans aucune retenue, se délectant de ses cris, avant de l’abandonner là, gisant à terre dans une marre de sang.
Profitant de sa faiblesse grandissante pour le dresser, l’humiliant pour le briser, lui donnant les ordres les plus abjects et riant de le voir finalement obéir. Lui écrasant le visage dans la boue de sa semelle de sa botte en récompense.
Et Draco, un Draco qui semblait encore si jeune et presque innocent… presque. Le plaisir qu’il avait prit à lancer des cruciatus à Harry avant de venir l’embrasser de force, haletant encore de douleur, laissa Severus sans voix. Tant de perversité dans un garçon de quatorze ans… mais son père approuvait et l’en félicitait, et Draco rayonnait de fierté.
Au fil des souvenirs, il pouvait voir Harry s’éteindre, brisé par la fatigue, la faim et la douleur. Jusqu’à finalement ramper aux pieds de Lucius pour le supplier de le prendre, comme il le lui avait ordonné…
Oh, oui, Lucius savait dresser les gens. Harry lui avait certainement donné du fil à retordre, mais le temps jouait pour lui et il avait obtenu satisfaction et apporté à son maître un esclave assez obéissant pour s’agenouiller devant lui pendant qu’il lui posait le collier.
Après cela, l’enfer s’était déchaîné, et Severus ne savait pas ce qui le déchirait le plus : les souffrances du garçon, ou son lent chemin vers la soumission absolue, l’obéissance servile et sans condition, l’abdication de son âme…
Les deux avaient cohabités suffisamment longtemps ; le temps que l’horreur atteigne son paroxysme. Harry croyait s’être résigné, mais il s’était encore révolté quand Voldemort lui avait demandé de venir de lui-même s’allonger sur lui pour dormir et se soumettre à ses désirs. Il n’avait pas non plus pu se résoudre à plonger à quatre pattes sous la table pour servir un à un les mangemorts, offrant ses services, léchant leurs membres et avalant leur semence. Il avait du finir par le faire, bien sûr, après que le collier l’ait torturé suffisamment longtemps… et le plaisir des mangemorts n’en avait été que décuplé.
Quand il eut enfin renoncé à toute volonté propre, Voldemort et ses fidèles se lassèrent, et durent inventer d’autres jeux. Harry les lui montra, les lui jeta au visage, plutôt… mais ne le méritait il pas ?
Des exercices d’humiliation avant tout pour le Garçon-Qui-Aurait-Du-Survivre, répéter des phrases de mépris concernant ses parents et amis, vanter la gloire du Seigneur des Ténèbres… les images d’orgies se succédèrent dans les pensées du garçon, les mangemorts, à l’image de Lucius et Draco Malfoy, le prenant par deux, le déchirant avec violence tandis qu’un autre l’obligeait à le prendre en bouche… non, deux. Merlin.
L’horreur des souvenirs du garçon ne semblait jamais avoir de fin. Les longues journées caché dans les plis de la robe du Seigneur des Ténèbres, sous forme de furet, étouffant, attendant contre le sexe de son maître que celui-ci requiert ses services… s’agiter, et puis attendre encore, le poil collé par le liquide gluant. Jusqu’à la prochaine fois, qui ne tardait jamais à arriver.
Tout cela était arrivé, et arrivé à son Harry… Severus se sentait bouillir de rage, mourir de honte et d’impuissance devant ces images, incapable de savoir comment l’on pouvait survivre à tant d’horreur… et comment il pourrait un jour redonner à Harry tout ce qu’on lui avait arraché. Son innocence, sa confiance, sa joie de vivre… il aurait voulu pouvoir prendre toutes ces images et les ôter de la tête du garçon. Ces séances de légilimancie aidaient, toutefois, et malgré la douleur de revivre ces épisodes, il savait qu’Harry s’en sentait libéré après les lui avoir transmis et dormait d’un profond sommeil jusqu’au lendemain… pendant que lui, incapable de fermer les yeux, restait jusqu’à l’aube hanté par les images d’horreur, fixant le plafond, le garçon dans ses bras.
Le prix était peu élevé pour ce privilège, vraiment…
Il ne pouvait guère faire plus, et murmurait des excuses sans fin au garçon endormi, redoutant la nuit où les souvenirs en arriveraient à ce point de l’histoire qui peuplait ses propres cauchemars.
Elle arriva finalement, un mois après que le collier ait été détruit par Albus. Une fois de plus, Harry s’était réveillé en criant et une fois de plus, il avait pris son visage dans ses mains et prononcé la formule qui lui donnait accès à ses pensées.
La scène était habituelle, une réunion de mangemorts… mais il y en avait un de plus, cette fois-ci
Lui.
Son cœur manqua un battement et il serra un peu plus le garçon contre lui. Il pouvait sentir la légère surprise qu’il avait ressenti alors, et la déception, aussi. La déception que Severus soit finalement l’un d’eux. Il revit le garçon lui offrir ses services, rompu par son tour de table, son corps maltraité à bout de forces alors qu’il le pompait avec énergie, avant d’avaler sa semence et de rejoindre son maître.
Mais ce ne fut que quand il revit la première fois où il avait prit le garçon sur ses genoux qu’il sentit ce petit sentiment tenace, qui n’avait rien à voir avec le garçon de l’époque. Harry, celui qu’il tenait dans ses bras… et qui lui en voulait. Un peu, rien qu’un peu, vraiment… mais c’était bien là.
« Harry » murmura-t-il quand la vision prit fin sur son orgasme, laissant un adolescent maigre et saignant de ses blessures internes descendre de ses genoux. « Je suis tellement, tellement désolé… »
Le garçon le regarda sans rien dire, les yeux vides.
« Je me suis juré de te sortir de là à l’instant ou je t’ai vu… » expliqua-t-il d’une voix presque suppliante « et quand j’ai du te faire ça… je me suis juré que je ferais tout pour compenser ce que je venais de te faire. J’ignore comment j’ai pu, même avec le collier… mais crois moi, ce souvenir peuple aussi mes cauchemars. »
Harry le regarda, incertain.
« Maître. Pas grave. »
« Non, Harry, c’était grave. Je n’ai pas eu le choix, mais ça ne change rien pour toi et je ne peux rien faire pour changer cela… pour réparer ce que j’ai fait… »
« Si, Severus. » répondit calmement le garçon après un instant. « Refais le. Comme l’autre jour, avec la potion. S’il te plait. »
Snape le regarda, bouche bée. Depuis ce jour là, le garçon avait fréquemment proposé ses services, mais il s’y était toujours farouchement opposé. Il n’était pas question qu’il profite de lui maintenant que le collier ne pouvait plus le punir… mais cela, c’était différent, il le voyait dans son regard… sans pouvoir y croire pour autant.
« Harry ? » demanda-t-il, caressant doucement son visage.
« C’était bien. Le contraire de ce qu’ils m’ont fait. Je veux encore. Je ne savais pas avant… que c’était possible. S’il te plait ? »
Incapable de prononcer un mot, Severus hocha la tête et d’un accio, fit venir la potion qu’il avait crée pour Harry. Il la lui tendit, mais celui ci la repoussa.
« Pas besoin. Juste toi. »
Ce fut Severus cette fois qui dut compter jusqu’à trois pour être sûr qu’il ne rêvait pas. Quand il rouvrit les yeux, il sentit les lèvres de Harry se poser contre les siennes, et il sut…
Oui, il sut.
Ce ne fut pas leur première nuit, mais ce fut certainement leur plus belle. Quelque chose de plus magique qu’à l’ordinaire emplissait la pièce tandis qu’ils se balançaient dans un parfait ensemble, leur plaisir décuplé par la rage de vivre, le bonheur d’être libre, d’être là, d’avoir quelqu’un… et toutes les souffrance qu’ils devaient effacer.
Quand ils se rendormirent enfin, ils révèrent de la même chose ; et ils étaient bien loin alors du Manoir des Ténèbres.
Le lendemain matin, Severus aurait pu jurer que le soleil brillait dans le donjon. Au déjeuner, Harry sourit en voyant la boite de chocolats qu’il lui avait acheté, et il fit un jeu d’en porter un à sa bouche, d’un geste timide et frondeur à la fois.
Snape prit le chocolat entre ses lèvres et en enveloppa au passage les doigts du garçon qui poussa un hoquet de surprise. Harry se révéla être aussi sensible à la sensation que Severus, et c’est sans aucune contrainte et par pur plaisir cette fois qu’ils se retrouvèrent sur la table, le garçon gémissant sans retenue tandis que la bouche du professeur avait prit possession de son entrejambe.
Merlin, que la vie pouvait être douce…
Deux jours plus tard, il demanda à voir ses amis.
Ici, dans le donjon, et seul… mais avec Severus dans son bureau, à portée de voix si quelque chose n’allait pas.
Les retrouvailles furent courtes, et Harry revint rapidement le trouver. Il ne dit pas un mot, mais s’installa sur ses genoux, le front posé sur son épaule, dans une attitude qui ressemblait tant à une autre… mais Snape la prit pour ce qu’elle était et prit simplement le garçon dans ses bras. Il savait. Que ses amis avaient changé, et lui aussi. Qu’il avait en tête les images de leur rencontre dans le bureau de Dumbledore, laisse et collier au cou, soumis aux pieds de son maître. Que les histoires que les adolescents pouvaient lui raconter ne faisaient que lui rappeler ce qu’il avait perdu et ne retrouverait pas.
Qu’ils ne comprendraient jamais.
Severus Snape découvrit ce jour là qu’il savait chanter. Ce n’était qu’une berceuse, probablement surgie des profondeurs de sa propre enfance, mais il la chanta encore et encore tandis qu’il berçait le garçon, oblitérant le monde autour d’eux.
« Un deux trois… le cauchemar s’en va… dans la nuit une étoile brille, un deux trois, je suis là… »
Il fallu bien plus de trois secondes pour que Harry trouve le courage de se lever, mais quand il le fit, il se sentit assez rasséréné pour retourner seul au salon.
Pas un mot ne fut échangé, mais c’était inutile…
Deux jours plus tard, Harry demanda pour la première fois à sortir et Severus sentit son cœur se serrer. Il y était cette fois, il allait devoir partager Harry avec le reste du monde… leur première promenade dans le parc fut très paisible, cependant. Harry semblait perdu dans la contemplation de chaque arbre, chaque brin d’herbe, frémissant en sentant le vent sur sa peau… il ne consentit à rentrer qu’une fois la nuit totalement installée et voulut ressortir dès qu’ils furent réveillés le lendemain matin.
Snape devait reconnaître que sortir des donjons lui faisait également le plus grand bien. L’air frais et le bonheur presque enfantin d’Harry étaient un plaisir en soi. Quand il réussi à convaincre Harry de manger un soir à Pré Au Lard, dans la plus stricte intimité, il avait tout oublié de ses craintes de partager Harry. Le garçon se montrait distant et mal à l’aise avec toute autre personne que lui, et cherchait automatiquement sa protection en se rapprochant de lui, titillant une pointe d’orgueil que Severus ne se connaissait pas.
Il faisait de nets progrès toutefois, et Severus voyait l’été arriver avec une impatience grandissante. Les vacances, le calme du château, les journées rien que pour eux, sans contraine…
Les premières fois se faisaient plus rare et une routine s’installait paisiblement entre eux, empreinte d’affection et de regards, de protection et de douceur. De confort, songeait Snape, et d’une paix qu’il n’avait jamais connu avant cela. Que guérir des blessures si profonde et faire oublier de telles horreurs puissent apporter ce sentiment de plénitude avait quelque chose de paradoxal, mais il savait que Harry ressentait la même chose.
Et puis un jour, il arriva une dernière fois.
L’été s’installait doucement et leurs promenades du soir se faisaient plus longues et plus douce, les deux sorciers s’aventurant de plus en plus loin dans le parc du château. Ils étaient rentrés plus tard que d’habitude ce soir là, ayant voulu essayer un nouveau chemin et se dirigeaient vers le château sans hâte, Harry tentant de convaincre le maître des potions de tenter une sortie en balais le lendemain.
Ce ne fut que quand ils contournèrent la colline, à la nuit tombée, qu’ils virent la Marque dans le ciel, se dessinant nettement au dessus de la silhouette sombre de Poudlard. Ils s’arrêtèrent dans leurs traces, le souffle coupé.
En une seconde, Severus avait sorti sa baguette et Harry s’était rapproché de lui.
« Non ! »
Severus se tourna vers le garçon, les yeux plein de regret. Il aurait du insister plus auparavant… il avait pensé avoir le temps. C’était stupide, ils n’avaient jamais le temps … Sans un mot, il fouilla dans ses robes et en sorti une baguette acajou qu’il tendit à Harry.
« Je sais que tu ne penses pas être prêt, mais prends la. Je l’ai achetée pour toi, Ollivander m’a assurée qu’elle devrait te convenir… nous ne pouvons pas prendre de risque, Harry, prend la. »
Harry eut un court instant d’hésitation avant de saisir la baguette. Il n’en avait plus tenu depuis le jour où Voldemort l’avait désarmé, dans le cimetière, avant de casser l’arme en deux…
Une gerbe d’étincelles jaillit de la baguette, et Harry sut qu’Ollivander avait eut raison. La baguette était chaude dans sa main, et il était prêt à se battre. Pour sa liberté, pour se venger, et surtout… pour Severus. Pour ce qu’ils avaient.
« Croyez vous qu’ils aient tué quelqu’un ? » demanda-t-il alors qu’ils couraient côte à côte vers le château.
« C’est ce que la Marque semble indiquer… stop. »
Harry obéit, et, jetant un regard autour de lui, reconnu aussitôt l’endroit où ils se trouvaient. L’entrée du souterrain…
Severus tendit sa baguette pour libérer l’entrée, mais n’alla jamais au bout de son geste.
Derrière eux, un « crac » retentissant avait rompu le calme de la nuit, et les deux sorciers se retournèrent pour apercevoir le nouveau venu.
Pas assez rapidement, cependant.
« Avada Kedavra. »
Comme dans un rêve, un rêve si vieux qu’il semblait avoir toujours existé, une lueur verte vint zébrer la vision de Harry pour frapper à quelques centimètres de lui, juste sur sa gauche. Il pensa un instant que le sort l’avait raté de peu, avant de comprendre que l’éclair vert n’avait pas raté sa cible.
Le souffle coupé, incapable de bouger ni d’émettre un son, il vit Severus tomber à ses pieds au ralenti, avec une grâce et une inexorabilité qui n’appartenait qu’à la mort.
Sidéré, il leva les yeux vers l’origine de l’Avada, et ses muscles le trahirent soudain. Il chuta lourdement à genoux aux côtés de son amant, un long gémissement s’échappant de ses lèvres.
Devant lui, un petit sourire satisfait, un mangemort s’avançait, ses yeux gris étincelants.
« Eh bien, Harry, tu as oublié tes manières ? »
« Non… » gémit Harry, ses mains se crispant convulsivement sur les robes noires du maître des potions, incapable de détacher ses yeux du mangemort qui s’arrêta à un pas de lui pour poser une main sur son épaule.
« ‘Non maître’ » fit sèchement Draco, en l’arrachant au cadavre de Snape.
La dernière vision qu’eut Harry de son sauveur fut celle de son corps, gisant face contre terre dans un amas de robes noires, sa baguette encore à la main. Et celle qu’il lui avait donné un instant plus tôt et qui avait glissé de la sienne reposant à ses pieds, inutile.
Un instant plus tard, un nouveau ‘crac’ déchira la nuit et la vue de Harry se brouilla tandis que Draco le ramenait de force au Manoir des Ténèbres.
Il sembla à Harry que son cerveau s’était arrêté de fonctionné au moment où Severus était tombé. Suffisamment en tout cas pour qu’il ne réalise pas tout de suite qu’il était entouré de Mangemorts, et que Voldemort s’avançait vers lui d’un pas triomphant.
Ce fut sa cicatrice, si délicieusement indolore ces derniers temps qui le rappela à la réalité dans un éclair de douleur.
Il leva les yeux pour plonger dans ceux, rouge et étincelants, de son maître.
« Eh bien, Harry ? » demanda Voldemort d’une voix doucereuse. « As-tu passé de bonnes vacances ? »
La réponse de Harry se perdit dans un son étranglé. Il aurait voulu tomber à genoux, mais constata qu’il y était déjà… depuis quand ? Il l’ignorait.
« Mon pauvre, pauvre esclave » fit le sorcier en caressant son visage « ce traître t’as pris au dépourvu, toi aussi. »
Harry tressaillit, mais ne répondit rien. Quelque chose de glacé et de dur venait d’envahir sa poitrine, quelque chose de définitif, d’indélébile. Quelque chose qui avait volé sa voix.
« Sois rassuré, je sais que tu n’y es pour rien dans ton enlèvement… le traître a été puni pour ses méfaits envers toi. Cependant… »
Les doigts se refermèrent sur sa mâchoire dans un étau de fer.
« Le collier, Harry. Où est il ? »
Le regard dans le vague, le cœur au bord du gouffre, Harry ne répondit pas.
« Tu m’as trahi, mon bel esclave… tu as trahi ton maître. » La voix était aussi menaçante que douce à présent « Mais heureusement, Draco a réparé ton erreur. Il sera récompensé, comme je le lui avait promis. Il partagera notre lit dorénavant, Harry, n’est ce pas une bonne nouvelle ? Tu vas retrouver ta maison, ton maître, et ton plus grand admirateur. »
Des rires gras et cruels éclatèrent autour d’eux. Harry les entendis à peines ; toutes les horloges s’étaient arrêtés, le monde s’était subitement suspendu sur son axe. Avant d’éclater en millions de petits morceaux qui explosaient dans sa tête à chaque mot de Voldemort.
« Mais avant de nous réinstaller, Harry, une dernière chose… »
A travers son brouillard, Harry vit la main squelettique lâcher son visage pour saisir quelque chose dans la robe écarlate. Un objet rond et luisant, qu’il laissa un instant devant ses yeux pour qu’il puisse bien le voir.
Un collier de métal. Noir, cette fois, et visiblement plus imposant.
« Tu seras puni, Harry, bien sûr. Et je suis sûr que tu comprendras la leçon, une fois que nous en aurons fini. Mais juste au cas où… ce collier-ci, vois tu, as été conçu spécialement pour moi. Pour ton usage. Contrairement au précédent, celui-ci ne s’enlèvera plus jamais, quoiqu’il arrive. Tu m’entends, Harry ? » continua-t-il de sa voix sifflante. « Plus jamais. »
Et dans un claquement sec, il referma le collier autour du cou du garçon. Il sourit, de ce sourire reptilien qui s’accompagnait toujours d’une étincelle mauvaise dans ses prunelles.
« C’est beaucoup mieux ainsi, n’est ce pas ? Je pense que je n’ai pas besoin de répéter les règles, tu les connais déjà. »
« Oui, maître » vint la voix rauque. Alors que les mots s’échappaient de sa bouche, il sembla à Harry que le monde devenait subitement noir et il vit le sol se rapprocher inexorablement de ses yeux. Sa chute fut stoppée nette par une laisse tendue… non, une chaîne, rectifia-t-il en entendant le cliquetis.
« Plus jamais. »
Les mots d’un passé qui n’aurait jamais du exister lui revinrent en tête.
« Ils paieront. Je leur ferais payer, Harry. Tu es libre, tu n’appartiendras plus jamais à personne ! »
Un éclair de douleur fulgurant le traversa, et il ne pu s’empêcher de crier. Penser. Il ne devait plus y penser. Pas le droit.
Hagard, il leva les yeux et rencontra le regard satisfait de son maître. Un choc sec dans sa nuque l’invita à se lever. Autant d’eux, les mangemorts quittaient discrètement la pièce, tous, sauf un…
« Dans la chambre, Draco, tu as bien mérité ta récompense. Et moi aussi… il va falloir rattraper le temps perdu, Harry, tu le sais, n’est ce pas ? »
« Oui, maître. »
Et alors qu’il se relevait, mécaniquement, chancelant, Harry ferma les yeux.
Et il compta jusqu’à trois.
NDLA : Je sais, vous nous haïssez, et vous avez raison ! Je dois toutefois vous dire que cette fin a été prévue depuis le tout début. Vous voudrez peut être relire certains passages dans cette perspective si vous avez aimé cette histoire… Je suis tentée de vous donner le pseudo de ma beta pour que vous alliez la frapper à ma place, car cette fin était son exigence.
Sachez que je n’ai pas écrit un seul mot de cette histoire, j’ai exposé les faits que je voulais y voir à K.S, qui a écrit la fic, sur mes idées. Je ne sais pas écrire, mais je voulais que cette histoire le soit… et je voulais que ce soit cet auteur qui le fasse. Il faut savoir que sans ma beta, cette histoire aurait été un plat PWP… K.S me devait un service et a accepté pour cette raison uniquement ( son style en tant qu’auteur est très éloigné de My Master ) mais elle a exigé deux choses : un nombre limité de chapitres, et cette fin, que je lui ai volontiers accordée bien sur. Son message est le suivant :
« Cette fic est dédiée à tous ceux qui savent que parfois, aucun miracle ne peut plus vous sauver. »
Je vous laisse méditer là dessus. Une chose toutefois, et elle est formidable, c’est que si cette fic est notre domaine, celui de l’imagination en revanche ne s’arrête pas ici. Si cette fin vous a déplue, décidez que ce n’est pas celle que vous choisissez et imaginez la vous même.
K.S avait envisagé de laisser un porte ouverte, mais nous avons préféré la franchise brutale. Je crois cependant que plusieurs personnes avaient intuitivement comprit qu’il ne pouvait pas y avoir de fin heureuse ici… la grande majorité nous en avait demandé une, et honnêtement nous sommes désolées de ne pas pouvoir vous l’offrir. Mais c’est ainsi qu’elle était écrite…
Si vous avez aimé l’écriture de cette histoire, et que vous êtes prêts à lire quelque chose de non slash/romance, une histoire longue avec les deux mêmes personnages centraux, sans aucune relation amoureuse… et que vous jurez de ne pas révéler la participation de ma beta à ce texte, envoyez moi un mp et je vous redirigerai vers la fiction de ma chère beta. Peut-être. Si elle est de bonne humeur.
Nous sommes toutes les deux d’accord pour dire que nous nous sentons mieux d’avoir ‘pondu’ ce bébé, et que tout ce que nous avions à y mettre… soit à présent sur ces pages, et non plus dans nos cœurs. Nous espérons que malgré le choc des situations et des mots, vous aurez comprit ce que nous voulions transmettre et faire vivre ici, et que comme nous vous en sortez épuisés, et les tripes à l’air. Et ça de moins dans le système.
Nous pensions au départ que My master allait être reçu avec des bordées d’insultes et de flames, nous n’en avons en fait reçu qu’une… et énormément de compliments. Nous en sommes très honorées et émues…
Un grand merci à tous de nous avoir suivies jusqu’au bout, et que la force soit avec vous !
Jenova Black & K.S
PS : nous ouvrons un live journal, au nom de jenovablack sur insanejournal, et selon l’accueil que recevra cette fin, K.S délivrera éventuellement l’autre fin qu’elle avait envisagé… et qu’elle aime bien aussi à sa façon. Mais cette fiction restera dans cet état, avec son point final.